Les émotions


Par Fanny Seugé
Sur www.eveilpsychomoteur.fr

D'après moi, l'accompagnement de la gestion des émotions des petits est l'un des plus grands cadeaux que nous pouvons leur faire.
Je rencontre des petits avec de belles compétences motrices, avec une belle aisance corporelle, avec une gestuelle riche. C'est une chance pour eux ! Mais le meilleur outil qui leur suivra tout au long de leur développement est de savoir vivre, comprendre et exprimer les émotions.

Les étapes du développement s’acquièrent avec plus ou moins d'autonomie, notre rôle n'est pas de faire faire aux enfants, ni de leur apprendre mais de leur donner un environnement le plus propice possible à leur expérimentation.
Du point de vue des émotions, nous avons la possibilité de transmettre de bons outils aux jeunes enfants. 

La journée d'un bébé est rythmée par des états émotionnels
- l'équilibre émotionnel (homéostasie) : je me sens bien comme je suis, je suis prêt à explorer ce qui m'entoure ou à me laisser rêver, il se passe des événements autour de moi, je m'en aperçois ou non, je fais avec eux. Je joue, je bouge, je souris, je gazouille, je regarde mes mains, je regarde autour de moi.
- le déséquilibre émotionnel : un événement autour de moi m'a inquiété, m'a excité, m'a ému, m'a contrarié, m'a attristé, m'a frustré. Je pleure, je m'agite, je me cabre, je fronce les sourcils, je cherche un adulte du regard, je râle, je tourne la tête, je souris.

En tant qu'adulte, nous avons des cartes que nous pouvons utiliser pour retrouver l'équilibre émotionnel, une fois celui-ci perdu. Certains auront besoin de parler, d'autres de s'isoler, d'autres encore de faire du sport ou de se poser.
Les bébés n'ont pas encore connaissance de ces cartes. Ils vivent pleinement l'émotion sans en avoir conscience (et certainement pas dans la volonté d'être méchant ou de vous faire marcher). Ils comptent donc sur nous pour les accompagner dans les passages d'un état émotionnel à l'autre. C'est un rôle drôlement compliqué car nous ne pouvons avoir de certitudes sur la raison du déséquilibre émotionnel, ni l'analyse que nous en faisons. Mais il est important d'essayer, car les erreurs sont quotidiennes mais nécessaires.

Les outils que nous pouvons utiliser 
- la parole, elle est essentielle ! Même dès les premiers jours de vie.
       Nous pouvons décrire ce que nous voyons :"je vois que tu pleures. Je vois que tu fronces les sourcils. Je vois que tu respires plus vite"
       Nous pouvons émettre des hypothèses : "j'ai l'impression que tu es contrarié car tu jouais tranquillement et tu ne t'attendais pas que quelqu'un que tu ne connais pas fasse irruption dans la pièce" - "tu m'as l'air fatigué car je t'ai beaucoup agité avec tous mes chants et mes grimaces" - "tu es tombé, tu as du te faire mal !"
C'est un exercice pas évident. Mais vraiment vraiment essentiel ! En décrivant et parlant, nous disons au bébé qu'il est différent de nous, qu'il vit des choses intérieurement que nous observons. Et nous portons une réelle attention à qui ils sont (et non ce que nous aimerions qu'ils soient).
- le geste
       Nous pouvons nous rapprocher d'eux, leur faire des mimiques, leur parler tranquillement, leur sourire. Ces outils les aident à s'apaiser, à retrouver leur équilibre émotionnel.
       Nous pouvons leur proposer de les prendre dans les bras. C'est à mesurer, car les bras n'est pas une solution aidante pour tous les âges ni tous les enfants. Pour les plus petits, cela peut être assez systématique. Pour les plus grands, ils ne doivent pas être une réponse automatique. Ils peuvent être proposés. L'enfant saura mesurer si il est capable de retrouver son équilibre émotionnel par d'autres moyens. "j'ai vu que tu as basculé, tu as l'air vexé, si tu as besoin tu peux venir dans mes bras"
- le sensoriel, l'excitation des bébés arrive par des canaux sensoriels : la vue, l'ouïe, le toucher, la gustation, l'odorat, la sensation de l'intérieur (appareil digestif, respiratoire) et vestibulaire (sensation d'équilibre, de mouvement). 
      Nous pouvons nous questionner sur des ajustements de leur environnement que nous pouvons leur apporter. Le bébé est peut être en train de dire qu'il y a trop de sensations en même temps autour de lui, que son cerveau sature. Nous pouvons baisser la lumière, changer de salle si il y a trop de bruits, lui proposer de s'allonger.
- l'attention
      Nous pouvons proposer à l'enfant une autre source d'attention pour l'aider à passer à autre chose et à s'apaiser. D'après moi, la conscience des périodes sensibles du bébé est essentielle pour avoir recours à cet outil. Un bébé qui s'agite car il y a beaucoup de mouvements autour de lui, nous montre qu'il a une saturation sensorielle, que son émotion se déséquilibre. Si nous savons qu'il est en ce moment passionné par le mouvement des mains de l'adulte, nous pouvons faire des mouvements lents des mains devant lui, son attention investit dans une activité qui répond à ses compétences de jeu lui permettra de retrouver un équilibre émotionnel (et de zapper son environnement trop stimulant). 
       Cela peut aussi se faire par des situations de jeux rigolotes. Le rire partagé, donc la complicité permet de dépasser des situations émotionnelles difficiles.



L'expression des émotions
Les bébés ont leur mimiques, leur voix, leur corps pour exprimer les émotions. L'expression est assez pauvre à la naissance (état de pleurs, état de calme), et se développe au fil du temps (surprise, méfiance, joie, calme, curiosité, frustration, saturation, etc). Elle est parfois très explicite : cris, ou parfois très discrète : accélération de la respiration ou gestes ralentis.
Nous ne pouvons pas être à chaque instant à l'écoute fine de l'état émotionnel de l'enfant, et tant mieux. Mais nous pouvons nous entraîner à affiner notre regard pour capter de plus en plus d'expressions.
Par ailleurs, si le jeune enfant a un comportement répétitif dans une même situation. C'est peut être que ce nous captons de lui n'est pas tout à fait juste. Nous pouvons donc nous poser la question de ce que nous interprétions comme de l'impatience est peut être plus une incapacité à s'apaiser. Il est alors temps d'essayer une nouvelle façon se faire.

Reconnaître les émotions
Dire à un jeune enfant : "tu es capricieux, je t'ai dit non!", c'est comme lui dire qu'il n'a pas le droit de ressentir une émotion. Or, nous vivons tous des émotions, de façon plus ou moins fortes, et nous ne pouvons les empêcher nous avons besoin de les évacuer. L'adulte va pouvoir le faire de façon raisonnée et décalée dans le temps. Le jeune enfant exprime ce qu'il vit sur le moment présent.
Un bébé n'est pas capricieux, il peut être frustré et avoir du mal à retrouver son équilibre émotionnel. "Je t'ai interdit de monter sur la chaise, tu peux être triste et énervé, si tu as besoin de mes bras pour te calmer je suis là" serait un petit peu plus juste, ou encore "tu n'es pas d'accord avec moi et ça t'énerve, tu as le droit de te sentir énervé car je t'ai dis non".

Prenons garde aux situations trop excitantes. 
Nous essayons d'aider les enfants à se calmer lorsqu'ils sont tristes ou énervés. C'est très bien ! 
Nous aimons bien quand les enfants sont très rieurs et joyeux. C'est bien aussi ! Mais attention au "trop" rieur et joyeux. L'excitation n'est pas un équilibre émotionnel. Les enfants en ont besoin de façon mesurée, ils peuvent facilement se laisser envahir par l'excitation. Ils ont besoin que nous soyons attentifs aussi à cette émotion et que nous leur proposions des outils pour la calmer.
Dans un des films fait par l'association Loczy, il y a une scène en extérieur ou un enfant découvre un robinet d'eau. Cet enfant est très expressif, il pousse des cris, semble très attentif à ce qu'il voit. J'ai regardé cette scène avec beaucoup de plaisir à voir la joie de cet enfant. Cependant j'ai compris ensuite que plus que de la joie, c'était de l'excitation excessive de laquelle l'enfant avait du mal à se sortir. En regardant de nouveau les images, j'ai perçu que son émotion était grandement déséquilibrée, son regard par exemple était presque hypnotisé par l'eau. Cet enfant avait besoin d'un adulte l'aide à se calmer, la situation n'était pas une situation propice à la découverte et à l'exploration. J'ai beaucoup appris en voyant cette vidéo. Elle m'a permis de me poser la question par rapport à d'autres enfants et d'autres situations et d'apporter mon aide lorsqu'ils en avaient besoin.

Pour les adultes comme pour les enfants, les émotions sont ce qu'elles sont, nous sommes tous plus ou moins sensibles. Elles ne peuvent pas être source de jugement car elles ne sont pas un choix. Donner de bons outils dès le plus jeune âge permet à l'enfant de grandir plus sereinement, d'être plus prêt à apprendre, de mieux se positionner parmi les autres.

D'autres documents sur les émotions :

La neuroscience et les émotions : http://www.leo-melrose.com/neuroscience-2-techniques-pour-aider-votre-enfant-a-se-calmer/

Une vidéo d'Isabelle Filliozat : http://www.aufeminin.com/video-maman-bebe/reconnaitre-caprices-enfant-isabelle-filliozat-n59495.html